L'associé d'une société en liquidation peut se prévaloir d'une créance à l'égard du liquidateur uniquement s'il a exposé des dépenses à l'aide de ses deniers personnels. Ne constitue pas de telles dépenses le remboursement du solde d'un emprunt bancaire d'une société pris en charge par l'assureur et non par l'associé souscripteur de l'assurance garantissant l'emprunt.
Un associé d’un groupement foncier agricole (GFA) souscrit une assurance de groupe décès-invalidité en garantie d’un prêt bancaire consenti au GFA. Après la survenance du risque garanti, l’assureur rembourse à la banque les échéances du prêt restant dues, étant précisé qu’il semble, au vu des faits, que les sommes aient transité préalablement par le patrimoine de l’associé souscripteur. Le GFA est ultérieurement mis en liquidation. L’associé souscripteur fait alors état d’une créance à l’encontre du liquidateur correspondant au montant des échéances de l’emprunt réglées par son assureur à la banque.
Une cour d’appel fait droit à sa demande. Selon les juges, si les fonds ont été encaissés par la banque et ont éteint l’intégralité de la dette d’emprunt du GFA, l’associé souscripteur demeurait le seul bénéficiaire de ces paiements. Ils en déduisent une sur-contribution de l’associé au remboursement de l’emprunt.
L’arrêt d’appel est cassé par les hauts magistrats au visa de l’article 1844-8 du code civil. Il est rappelé que « l’associé d’une société en liquidation ne peut se prévaloir d’une créance, à l’égard du liquidateur, que s’il a exposé des dépenses à l’aide de ses deniers personnels ». Tel n’était pas le cas en l’espèce puisque le remboursement des échéances de l’emprunt contracté par le GFA avait été effectué par l’assureur et non par l’associé souscripteur.
La solution, logique, vaut pour toute société. L’existence d’une créance de l’associé vis-à-vis du liquidateur faisait en l’espèce défaut. Bien que souscripteur d’une assurance décès-invalidité, l’associé, débiteur des primes d’assurance, n’a en réalité jamais acquitté les dettes de la société. C’est l’assureur, par le mécanisme bien connu de la stipulation pour autrui (C. civ., art. 1205), qui s’est chargé de rembourser les échéances de l’emprunt souscrit par le GFA et il importe peu, à cet égard, que les sommes aient ou non transité par le patrimoine de l’associé souscripteur. Aucune créance ne pouvant être reconnue au profit de l’associé, aucune sur-contribution aux pertes ne pouvait être constatée (C. civ., art. 1832 et 1844-1).
Cass. 2è civ., 15 juin 2023, n° 21-25.167, n° 664 F D
Site EditionsLégislatives 04/08/2023