Le périmètre de la location meublée délimité en substance au regard de l'impôt sur les bénéfices par les critères retenus en matière de TVA devrait être modifié à la suite de l'avis rendu par le Conseil d'État le 5 juillet 2023.
Saisi pour avis par la cour administrative de Douai le 2 mars 2023 (CAA Douai, 2 mars 2023, n° 22DA01547), le Conseil d’État vient de retenir que :
– les dispositions de l’article 135 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de TVA qui excluent de l’exonération prévue pour l’affermage et la location de biens immeubles, les opérations effectuées dans le cadre du secteur hôtelier ou de secteurs ayant une fonction similaire, ne doivent pas recevoir une interprétation stricte ;
– les dispositions du b du 4° de l’article 261 D du CGI qui subordonnent la soumission à la TVA des activités de mise à disposition d’un local meublé ou garni à la condition que soient proposées au moins 3 des 4 prestations accessoires qu’il énumère (petit-déjeuner, nettoyage régulier des locaux, fourniture de linge de maison et réception, même non personnalisée, de la clientèle) sont incompatibles avec les objectifs de l’article 135 précité ;
– elles sont susceptibles d’entraîner l’exonération des locations de logements meublés au seul motif que 2 de ces prestations accessoires ne sont pas offertes à la clientèle dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements hôteliers, alors que le cumul de 3 de ces 4 prestations n’apparaît pas systématiquement indispensable pour que de telles locations puissent, selon le contexte dans lequel elles sont proposées, être regardées comme se trouvant en concurrence avec le secteur hôtelier ;
– en revanche, ces dispositions demeurent compatibles avec les objectifs de cet article 135 en tant qu’elles excluent de l’exonération de TVA une situation de concurrence potentielle avec les entreprises hôtelières ;
– il appartient à l’administration, sous le contrôle du juge de l’impôt, d’apprécier, au cas par cas, si un établissement proposant une location de logements meublés, eu égard aux conditions dans lesquelles cette prestation est offerte, notamment la durée minimale du séjour et les prestations fournies en sus de l’hébergement, se trouve en situation de concurrence potentielle avec les entreprises hôtelières.
En droit strict, cet avis, rendu par les 8e et 3e chambres de la section du contentieux, ne s’impose ni à la juridiction qui l’a sollicité, ni au Conseil d’État lorsqu’il se prononce au contentieux. Cependant, son autorité est considérable, de sorte qu’il sera, sans grand doute, suivi par toutes les juridictions fiscales.
Sur le fond, les principaux enseignements de cet avis sont les suivants :
– comme l’indique le rapporteur public Romain Victor, le seul critère d’imposition à la TVA qui vaille est celui de l’existence d’un rapport de concurrence entre le loueur d’un meublé et les hôtels traditionnels ;
– dans cette perspective, et suivant les cas d’espèce, 2 et non pas 3 des 4 prestations parahôtelières prévues par la loi française en vigueur peuvent suffire à installer une telle concurrence selon la perception du consommateur moyen, et donc à justifier l’imposition à la TVA du loueur en meublé ;
– au-delà, le critère de la durée minimale du séjour qui ne figure pas dans cette loi, doit notamment être pris en compte, sans que la longueur de cette durée soit précisée.
On attendra avec intérêt le commentaire de cet avis par l’administration fiscale et la réponse du législateur dont le texte a déjà été par deux fois jugé incompatible avec les objectifs de la directive TVA.
CE avis, 5 juill. 2023, n° 471877 – Site EditionsLégislatives 07/08/2023