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L’accélération du déploiement des énergies renouvelables dans les espaces agricoles, naturels et forestiers

L’accélération du déploiement des énergies renouvelables dans les espaces agricoles, naturels et forestiers

L'urgence climatique doit composer avec la préservation des capacités de production alimentaire.

La loi du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production des énergies renouvelables, expurgée de quelques cavaliers législatifs repérés par le Conseil constitutionnel, vise à faciliter le déploiement de l’ensemble des énergies renouvelables dans l’espace national qu’il soit terrestre ou marin (L. n° 2023-175, 10 mars 2023 : JO, 11 mars). Les sages du Palais Montpensier ont d’ailleurs profité de ce contrôle de conformité avant promulgation pour affirmer que le développement des énergies renouvelables contribue à la concrétisation de l’objectif constitutionnel de la protection de l’environnement (Cons. const., déc., 9 mars 2023, n° 2023-848 DC : JO, 11 mars).

L’énergie nucléaire qui n’est pas renouvelable, mais décarbonée fait, pour sa part, l’objet d’un texte distinct afin de simplifier les procédures de création de six nouveaux réacteurs de génération EPR 2 (Projet de loi n° 762 relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes. ENEP2223723L, d’ores et déjà voté en 1ère lecture par le Sénat et l’Assemblée Nationale, respectivement doc. Sénat, n° 40, 24 janvier 2023, doc. AN n° 92, 21 mars 2023). En tout état de cause, le caractère vertueux de toutes ces énergies et la nécessité de les promouvoir face à une crise énergétique sans précédent ne doivent pas occulter les enjeux et les impacts des installations de production et de distribution.

Les espaces agricoles, naturels et forestiers sont de ce point de vue concernés au premier chef car ils présentent un fort potentiel d’implantation des nouvelles installations. C’est pourquoi le législateur s’est efforcé de trouver un équilibre satisfaisant entre promotion des énergies et protection, et répondre aux inquiétudes de la profession agricole. Les espaces agricoles font donc l’objet d’une attention toute particulière au vu de leur fonction privilégiée de production alimentaire, quitte à ce que la vigilance récurrente du texte puisse paraître excessive s’agissant notamment des installations agrivoltaïques.

L’intégration raisonnée des surfaces agricoles dans les zones d’accélération

La délimitation de zones d’accélération pour la production des énergies renouvelables constitue l’un des leviers privilégiés, retenus par la loi du 10 mars 2023 pour rattraper le retard accusé par la France pour atteindre ses objectifs européens. La France a en effet été le seul Etat-membre à ne pas se conformer à l’objectif de 23 % d’énergie produite à partir de sources renouvelables dans la consommation finale brute d’énergie, posé par la directive 2009/28/CE pour 2020 ; 20 % ont été atteints péniblement.  Au vu de l’ambition affichée par la loi « Climat et résilience » du 22 août 2021 de parvenir à 33 % en 2030 dont 40 % d’électricité issue de sources renouvelables, il devenait urgent de rendre plus opérationnel l’outillage juridique. Néanmoins, la procédure d’identification des zones les plus intéressantes ne se fera pas à la « hussarde » ce qui garantit, en cas d’intégration de surfaces agricoles, le respect de précautions particulières tout au moins lorsque la production d’électricité est en cause.

La détermination concertée des zones d’accélération

Les zones d’accélération ont pour vocation de faciliter l’implantation des installations de production d’énergies renouvelables sans pour autant dispenser de l’obtention des autorisations nécessaires ni, a priori, interdire une autre localisation. A ce titre, le mécanisme très complexe initié par la loi du 10 mars 2023, au sein du code de l’énergie, n’est pas sans rappeler les anciennes zones de développement éolien et leur faible portée juridique (CE, 26 juin 2013, n° 360466 : l’absence d’effet significatif sur l’environnement justifie l’absence de consultation du public lors de leur délimitation). L’identification des zones par l’intermédiaire des documents d’urbanisme pourrait se révéler plus décisive et simultanément plus protectrice des espaces agricoles et naturels.

Les zones d’accélération doivent être définies pour chaque catégorie de sources et de types d’installation de production d’énergies renouvelables, en tenant compte de la nécessaire diversification de ces énergies, des potentiels du territoire concerné, de la puissance de production déjà installée, des risques et inconvénients suscités par les équipements (C. énergie, art. L. 141-5-3, I, 4°, nouv.).  Le nombre des zones devrait donc être conséquent à terme puisque l’on recense 5 catégories d’énergie renouvelable (l’hydraulique, l’éolien, le solaire, la biomasse et la géothermie), la loi ayant prévu leur opérationnalité au plus tard le 31 décembre 2027 et un renouvellement tous les 5 ans. La procédure très sophistiquée d’identification des zones d’accélération, à l’échelle de la région, par l’attribution d’une compétence de principe aux communes, assistées de référents préfectoraux pourrait toutefois entraver l’efficacité du dispositif (C. énergie, art. L. 141-5-3, II à IV, nouv.), à moins que la contribution parallèle des documents de planification urbaine s’avère nettement plus opérationnelle. Le législateur habilite en effet les schémas de cohérence territoriale, et à défaut de SCOT, les PLU et cartes communales à délimiter des zones d’accélération, au titre de compétences facultatives (C. urb., art. L. 141-10, L. 151-7 et L. 161-4, mod. par L., art. 15). Le levier urbanistique permettrait sans doute de conférer au nouveau zonage une autorité juridique qui semble au contraire très édulcorée si l’on se réfère au seul code de l’énergie. Toutefois, les SCOT et, en leur absence les PLU ou cartes, peuvent définir au sein des zones d’accélération des secteurs dans lesquels l’implantation des installations de production d’énergies renouvelables est soumise à conditions, dès lors qu’elles sont incompatibles avec le voisinage habité ou avec l’usage des terrains situés à proximité ou encore qu’elles portent atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages, à la qualité architecturale, urbaine et paysagère, à la mise en valeur du patrimoine et à l’insertion des installations dans le milieu environnant. La loi du 10 mars 2023 généralise ici une possibilité dévolue aux seuls PLU par la loi dite « 3DS » à propos des éoliennes (L. n° 2022-217, 21 févr. 2022, art. 35, V : JO, 22 févr.). De façon plus radicale, si la délimitation des zones d’accélération a été jugée suffisante au niveau régional, les PLU et cartes ou, à défaut les SCOT, peuvent identifier des secteurs d’exclusion pour les mêmes raisons (C. urb., art. L. 141-10, L. 151-42-1 et L. 161-4, mod.).

Ces modulations sont plus ou moins aisées. La délimitation de zones d’accélération pourra bénéficier d’une procédure de modification simplifiée, mécanisme le plus allégé – donc le plus rapide – d’évolution d’un document de planification urbaine (C. urb., art. L. 143-29 et L. 153-31, mod.) ; la rédaction d’une orientation d’aménagement et de programmation suffira ainsi à adapter le PLU et identifier des zones d’accélération tandis que les conditions et a fortiori les exclusions dans certains secteurs devront être prescrites par le règlement de zone (cette dissymétrie confirme, au passage, les limites normatives des OAP face au règlement tant en termes d’objet qu’au titre de l’autorité respective de ces deux pièces au sein du dossier PLU).

La sauvegarde des espaces agricoles n’est pas expressément identifiée en tant que motif de restriction ni d’exclusion mais cela n’interdit pas aux auteurs des SCOT, PLU et cartes d’intégrer cette dimension à leur « raisonnement énergétique » :  en effet,  les documents de planification sont chacun à leur niveau tenus de veiller à l’utilisation économe du foncier et à la préservation des espaces affectés aux activités agricoles et forestières, en application des objectifs généraux et fondamentaux posés par l’article L. 101-2 du code de l’urbanisme, objectifs encore renforcés par les échéances 2031 et 2050 de la trajectoire « ZAN ». Seules les centrales photovoltaïques au sol bénéficient en réalité d’une franchise en termes de consommation et d’artificialisation en application de la loi Climat et résilience (L. n° 2021-1104, art. 194, III, 5° ; néanmoins, le projet d’arrêté devant préciser les caractéristiques techniques de ces centrales n’a pas dépassé le stade de la consultation publique, organisée en mai 2022).

Au demeurant, le ciblage d’autres disponibilités foncières démontre la volonté législative de ménager les espaces agricoles et forestiers. Ainsi, la prise en compte obligatoire de l’inventaire des zones d’activité économique lors de l’identification des zones d’accélération incite clairement à recycler des emplacements dont la vacance a été constatée au titre de ce dispositif initié par la loi « Climat et résilience » du 22 août 2021 (C. urb., art. L. 318-8-2). De façon plus opérationnelle encore, le texte du 10 mars autorise l’utilisation des friches littorales  au profit de l’implantation d’ouvrages nécessaires à la production d’énergie solaire, photovoltaïque ou thermique, en franchise du principe de l’extension de l’urbanisation en continuité du bâti existant posé par la loi du 3 janvier 1986, non sans imposer cependant au porteur de projet la démonstration qu’une utilisation énergétique est préférable à un projet de renaturation qui aurait d’ailleurs pu comporter un volet agricole (C. urb., art. L. 121-12-1, mod. par L., art. 37). L’obligation faite aux gestionnaires de parcs de stationnement de plus de 1 500 m2 de poser des ombrières intégrant un procédé de production d’énergie renouvelable sur au moins la moitié de l’emprise participe également à cette stratégie d’évitement (L., art. 40).

La spécificité de la procédure de repérage des sols agricoles susceptibles d’accueillir des projets photovoltaïques est a fortiori révélatrice des subtilités dont le législateur a du faire preuve pour concilier des objectifs souvent contradictoires.

Identification des surfaces agricoles et forestières susceptibles d’accueillir des projets photovoltaïques par un document cadre

S’agissant des centrales solaires au sol, le législateur fait preuve d’une vigilance accrue car ces équipements sont les plus consommateurs d’espaces agricoles, naturels ou forestiers, au contraire d’autres ouvrages, telles que les éoliennes, d’une emprise bien plus réduite. Plusieurs dispositions nouvelles sont en conséquence insérées dans le code de l’urbanisme au titre de la règlementation nationale d’urbanisme. La rigueur qui les caractérise est cependant circonscrite aux seuls ouvrages solaires « destinés à produire de l’électricité » faute d’avoir mentionné simultanément comme dans bon nombre d’autres dispositions de la loi : « les ouvrages nécessaires à la production d’énergie solaire, photovoltaïque ou thermique ». L’intitulé de la nouvelle section 9 du règlement national d’urbanisme « Installations de production d’énergie photovoltaïque sur des terrains agricoles, naturels et forestiers » est incontestablement restrictif. Les centrales thermiques au sol, elles aussi consommatrices d’espaces et potentiellement tout aussi problématiques pour le maintien des activités agricoles ne sont pas concernées par les nouvelles règles alors que les centrales solaires thermodynamiques transforment la chaleur en électricité (il est vrai qu’une seule de ces installations existe, actuellement en France, sur 36 ha dans les Pyrénées orientales).

Le repérage des surfaces propices à l’implantation des centrales photovoltaïques passe par l’établissement préalable d’un document cadre spécifique (C. urb., art. L. 111-29, nouv.). Ce document, approuvé par arrêté préfectoral sur proposition de la chambre départementale d’agriculture et après consultation de la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers, des organisations professionnelles intéressées et des collectivités territoriales concernées est fondamental à deux égards : il règlemente la localisation des projets et leurs conditions d’implantation.

  1. Une sélection stricte des sols agricoles ou forestiers

A l’exception des installations agrivoltaïques, aucun ouvrage de production d’électricité à partir de l’énergie solaire ne pourra, en effet, être implanté en dehors des sols agricoles ou forestiers répertoriés par le document cadre (C. urb., art. L. 111-29, al. 1er). Cette force normative s’impose sans aucun doute dans l’hypothèse de dispositions plus accommodantes d’un PLU. Elle milite également en faveur d’une autonomie du document par rapport aux zones d’accélération qui ne sont pas dotées de cet effet de verrouillage. Par conséquent, nonobstant la formule législative maladroite selon laquelle les surfaces visées par le document cadre sont intégrées en tout ou partie dans les zones d’accélération (C. urb., art. L. 111-29, al. 2), le fait que des surfaces recensées par le document cadre ne soient pas incluses dans les zones d’accélération n’empêche probablement pas leur usage à des fins énergétiques mais restreint l’éligibilité du projet aux diverses simplifications annoncées par le zonage « d’accélération ». Les critères de sélection des sols sont posés de façon rigoureuse : le document cadre ne pourra intégrer que des sols réputés incultes ou non exploités depuis une durée minimale à préciser par décret, à l’issue d’une réflexion qui doit s’inscrire dans une logique de préservation de la souveraineté alimentaire. Des impératifs de production agricole justifiant notamment une procédure de mise en valeur des terres incultes ou sous-exploitées prévue par le code rural au titre de l’aménagement foncier rural (C. rur., art. L. 125-1 à L. 125-15) peuvent donc restreindre la sélection opérée par le document cadre. Selon le code rural, la reprise de terres incultes n’est possible qu’à l’issue d’un délai d’inexploitation ou de sous exploitation de 3 ans (2 ans en montagne). Toutefois, le document cadre et le décret requis pour définir la durée minimale d’inexploitation relèvent de la législation urbanistique, indépendante du code rural. Une durée autre que les 3 ou 2 ans n’est donc pas exclue.

S’agissant des surfaces forestières, le texte du 10 mars 2023 interdit indirectement au document cadre d’inciter à des défrichements trop importants : aucune construction ni installation de production d’énergie solaire ne peut en effet être autorisée si le projet nécessite un défrichement relevant de l’évaluation environnementale de droit (C. urb., art. L. 111-33, nouv.). Dans une telle hypothèse, le repérage du document cadre s’avère donc privé de toute utilité. La rigueur ainsi affichée doit néanmoins être relativisée car les seuls défrichements concernés sont ceux de plus de 25 hectares (rubrique 47 nomenclature annexée à C. envir., art. R. 122-2) afin d’endiguer des projets de grande envergure tel que celui de Saucats sur plus de 1 000 ha de forêt landaise (projet Horizeo). En outre, aucune restriction particulière ne vise l’installation de centrales solaires sur des terrains boisés ayant subi un incendie : la vocation forestière n’étant pas remise en cause par l’incendie, aucune autorisation de défrichement n’est alors requise en tant que préalable dissuasif à la réalisation d’un projet.

  1. La compatibilité exigée avec une activité agricole, forestière ou pastorale

Le document cadre doit également définir les conditions d’implantation sur les surfaces sélectionnées. Le cadrage législatif est, à cet égard, directif (C. urb., art. L. 111-30, nouv.), à la fois pour le document cadre mais aussi pour les auteurs du PLU. Les installations ne doivent pas affecter durablement les fonctions écologiques du sol, en particulier ses fonctions biologiques, hydriques et climatiques ni son potentiel agronomique, leur implantation étant, au surplus, limitée dans le temps (C. urb., art. L. 111-32 nouv., v. également infra). La réversibilité, ainsi exigée, évite de considérer les sols concernés comme artificialisés et d’avoir à compenser par une renaturation.

L’installation ne doit pas non plus être incompatible avec l’exercice d’une activité agricole, pastorale ou forestière sur le terrain. L’exigence de compatibilité n’est pas nouvelle puisque le code de l’urbanisme l’impose d’ores et déjà à tous les projets d’équipements collectifs susceptibles d’être admis en zones agricoles ou naturelles et forestières (C. urb., art. L. 151-11, 1°) ou dans les espaces non urbanisés des territoires qui ne sont dotés d’aucun document d’urbanisme ou pourvus d’une seule carte communale (C. urb., art. L. 111-4 et L. 161-4). Pour autant, la rédaction du texte du 10 mars 2023 n’évite pas l’ambiguïté quant à l’échelle d’appréciation de la compatibilité : en effet, les articles L. 111-29 et L. 111-30 divergent. Le premier impose d’apprécier la compatibilité « à l’échelle de l’ensemble des terrains d’un seul tenant, faisant partie de la même exploitation agricole, pastorale ou forestière » donc d’une unité foncière qui, au sens du code de l’urbanisme, inclut une ou plusieurs parcelles contigües  appartenant au même propriétaire ou à la même indivision (CE, 27 juin 2005, n° 264667). Le second vise « le terrain » d’implantation de l’installation énergique et s’inscrit dans le sillage très rigoureux de l’arrêt de référence « Photosol », rendu en 2017 (CE, 8 févr. 2017, no 395464). La contradiction n’est à l’évidence pas de nature à faciliter la tâche des services instructeurs lors de l’examen des demandes d’autorisation. Une dernière divergence semble d’ailleurs poindre entre l’article L. 111-29 et la position du Conseil d’Etat. La juridiction administrative admet la compatibilité dès lors qu’est maintenue sur la parcelle une activité agricole pastorale ou forestière significative, « au regard des activités qui sont effectivement exercées dans la zone concernée du plan local d’urbanisme » ou, le cas échéant, auraient vocation à s’y développer, en tenant compte notamment de la superficie de la parcelle, de l’emprise du projet, de la nature des sols et des usages locaux (CE, 8 févr. 2017, préc.). Le juge a pu considérer, en conséquence, qu’une activité apicole mise en œuvre sous des panneaux photovoltaïques, à la place d’une culture céréalière de 27 hectares n’était pas significative (CE, 31 juill. 2019, no 418739). L’article L. 111-29 se contente, là encore, de raisonner au regard des activités agricoles, pastorales ou forestières effectivement exercées « sur l’exploitation » ou, en l’absence d’activité effective, qui auraient vocation à s’y développer. Un jugement récent du tribunal administratif de Dijon illustre les difficultés d’appréciation de l’exigence de compatibilité et tout l’intérêt de pouvoir les surmonter grâce à un texte clair… En l’occurrence, la juridiction bourguignonne annule le refus opposé par le préfet à une demande de permis de construire une centrale solaire de 14 hectares sur deux parcelles de 35 ha classées pour l’essentiel en zone agricole. Le tribunal considère, au contraire du préfet, que l’éco pâturage d’un troupeau de moutons pour assurer l’entretien des parcelles pendant 10 mois de l’année constitue une activité significative puisque fournissant une rémunération certes inférieure à celle de la culture céréalière intensive antérieure mais néanmoins substantielle de 48 000 € à l’année ; l’ouvrage occupera moins de 1 % de l’ensemble de l’espace classé en zone agricole par le PLU à l’échelle de la commune ; l’élevage ovin était d’ailleurs une activité traditionnelle dans la zone considérée ; enfin, le maintien d’une culture céréalière nécessiterait des apports exponentiels de fertilisants, pratique qui n’est plus adaptée à la logique imposée par la  transition climatique et l’usage plus réduit des ressources en eau (TA Dijon, 17 oct. 2022, n°s 2100195 et 2102309). La sécurisation des projets nécessite à l’évidence de limiter le risque lié aux subtilités de l’interprétation contentieuse ; le décret d’application lèvera peut-être les ambiguïtés.

La promotion prudente de l’agrivoltaïsme

La création d’une nouvelle section consacrée à l’agrivoltaïsme au sein du code de l’énergie (section 7 du chapitre IV du titre 1er du livre III consacré à la production d’électricité) et le rajout de quelques dispositions dans le code de l’urbanisme concrétisent la volonté législative de promouvoir cette technique de production d’énergie renouvelable. La loi du 10 mars 2023 permet également à la planification locale de l’énergie de contribuer à son déploiement en habilitant les schémas régionaux climat, air énergie (SRCAE) à poser des objectifs propres à l’agrivoltaïsme et les plans climat air énergie territoriaux (PCAET) à inclure cette technique dans les programmes d’action (C. envir., art. L. 222-1 et L. 229-26, mod.). Ces encouragements s’inscrivent néanmoins dans la logique de priorité dévolue à la production alimentaire, ainsi que le souligne le nouvel alinéa rajouté à l’article L. 100-4 du code de l’énergie, lequel rappelle au surplus la nécessité de veiller à ce que le développement de l’agrivoltaïsme ne renchérisse ni les coûts du foncier ni les prix agricoles (C. énergie, art. L. 100-4, 4° quater, nouv.). L’équilibre subtil recherché se traduit à la fois par une définition complexe de l’installation agrivoltaïque et un assouplissement mesuré, en contrepartie, des règles d’occupation des sols.

Une définition trop complexe de l’agrivoltaïsme ?

L’agrivoltaïsme, concept créé par Christian Dupraz, directeur de recherche à l’INRAE et spécialiste de ce mécanisme, Montpellier, 23 juin 2022) bénéficie, de façon inédite, d’une définition juridique. Cette définition résulte exclusivement d’une proposition de loi du Sénat et des travaux de la chambre haute en commission qui ont été repris intégralement dans la loi d’accélération. Le projet de texte présenté par le Gouvernement ne comportait à l’origine aucun élément à ce sujet.

La crainte de « l’agriculture alibi » explique la sophistication de la rédaction du nouvel article L. 314-36 du code de l’énergie qui mobilise, simultanément et maladroitement, des critères inclusifs et disqualifiants, alors que les éléments fondamentaux sont ceux formulés de façon bien plus fluide par l’ADEME en avril 2022 (ADEME, Photovoltaïque et terrains agricoles : un enjeu au cœur des objectifs énergétiques, 27 avr. 2022). Ainsi, les modules de production d’électricité doivent être réversibles, situés sur une parcelle agricole et contribuer à l’installation, au maintien ou au développement d’une production agricole sur cette parcelle, en procurant l’un au moins des quatre services répertoriés par la loi pour garantir une production significative et un revenu durable.

  1. Maintien d’une activité agricole significative sur la parcelle

L’impératif du maintien à titre principal d’une activité agricole à l’échelle de la parcelle, support de l’installation énergétique, est une caractéristique majeure de l’équipement agrivoltaïque pour le distinguer de la centrale solaire classique.

Le code de l’énergie se réapproprie, à cet égard, une exigence dont la juridiction administrative a déjà eu à traiter sur le terrain urbanistique pour endiguer la tentation du « projet agricole prétexte ». Afin de contourner les rigueurs du principe selon lequel seules les constructions et installations agricoles sont admises dans les espaces agricoles et naturels, des autorisations de construire ont, depuis plusieurs années, été sollicitées pour la réalisation de projets prétendument agricoles ; le seul but était en réalité la finalité énergétique. La délivrance d’autorisations pour des projets dépourvus de destination agricole – et a fortiori non nécessaires à l’exploitation – constitue une illégalité évidente (TA Strasbourg, 1re ch., 30 nov.  2010, no 1002138). Inversement, les projets qui trouvent grâce aux yeux des juges sont ceux dont la destination agricole n’est pas remise en cause par l’équipement énergétique, par exemple des serres maraichères dont une partie de la toiture est composée de panneaux solaires (CE, 12 juill. 2019, no 422542). Le juge a pu ainsi être conduit à vérifier l’adaptation du dimensionnement de la construction équipée de panneaux solaires aux besoins de l’exploitation (CAA Bordeaux, 5e ch., 25 avr. 2013, no 11BX03399 ; CAA Bordeaux, 5e ch., 19 nov. 2013, no 12BX00942).

Toutefois, le contrôle ainsi développé, au titre de la destination agricole, lors de l’octroi d’une autorisation d’urbanisme n’inclut pas l’usage ultérieur et réel de la construction : un permis de construire délivré au profit d’un projet à destination agricole et qui ne recevrait pas l’usage correspondant n’est pas en soi illégal, à moins que son obtention résulte d’une fraude avérée lors du dépôt de la demande (CE, 13 juill. 2012, n° 344710 : la transformation en habitation d’un bâtiment destiné au stockage de fourrage après obtention du permis n’a aucune conséquence sur la légalité de l’autorisation ; CAA Bordeaux, 15 déc. 2016, n° 14BX03353 :  solution réitérée s’agissant d’un bâtiment avicole réalisé dans des conditions autres que celles fixées par le permis). C’est pourquoi, la loi du 10 mars 2023 prévoit de ne pas s’en tenir à des critères exclusivement urbanistiques tels que l’emprise au sol et évoque le volume de production ou encore le niveau de revenu ; elle annonce la fourniture, par voie règlementaire d’une méthodologie permettant de vérifier l’existence d’une production agricole significative et le revenu durable qui en est issu.

Des travaux et diverses expérimentations menés, il ressort clairement que l’intérêt financier de la production énergétique générée sur la parcelle doit être faible pour que les revenus tirés de la production agricole restent majoritaires. Un rendement énergétique maximal est, en effet, incompatible avec une production agricole normale. Dans cette logique, deux pistes pourraient être utilisées par le futur décret : encadrer le niveau des loyers fournis au propriétaire exploitant par l’opérateur spécialisé en énergie photovoltaïque et/ou limiter la densité des panneaux installés par rapport à une centrale classique – de l’ordre de 30 à 50 % – de sorte d’empêcher un rendement maximal (INRAE, Ch. Dupraz, préc.).

  1. Une synergie de fonctionnement entre activité agricole et installation énergétique

L’exigence de co activité sur la même parcelle est couplée à une obligation de synergie entre production agricole et l’équipement énergétique, ce que l’article L. 314-36 formule en termes de services rendus en reprenant avec application les recommandations de l’ADEME pour les quatre services répertoriés. Pour « mériter » la qualification agrivoltaïque, l’installation doit procurer directement à la parcelle l’un des services suivants : l’amélioration du potentiel et de l’impact agronomiques, l’adaptation au changement climatique, la protection contre les aléas ou encore l’amélioration du bien-être animal. La « neutralité » de l’installation est, par conséquent, rédhibitoire. Ainsi, tout en produisant de l’énergie, des panneaux photovoltaïques, installés au-dessus d’une production végétale, peuvent la protéger d’un d’ensoleillement excessif, limiter le stress hydrique par l’ombrage procuré, réduire les dégâts en cas de grêle ou de gel, éviter l’infestation parasitaire et/ou la propagation des maladies (si les panneaux sont disposés verticalement) : les services d’adaptation au changement climatique, à la protection contre les aléas et l’amélioration du potentiel et de l’impact agronomiques sont alors simultanément satisfaits. Des troupeaux en pâture peuvent, parallèlement, bénéficier des abris offerts par les équipements solaires contre les fortes chaleurs et autres intempéries ce qui vaut validation du service d’amélioration du bien-être animal.

A contrario, l’atteinte substantielle portée à l’un des services ou une atteinte limitée à deux d’entre eux disqualifie irrémédiablement l’installation, et ce vraisemblablement même si elle fournit un voire deux autres services, dès lors que l’on s’en tient à la lecture littérale de l’article L. 314-36. Si des panneaux contribuent au bien-être animal et améliorent ainsi la productivité laitière du troupeau mais modifient de façon significative la température des sols et altèrent la faune, comment appliquer l’article L. 314-36 ? Il n’est pas exclu non plus que l’atteinte vienne dégrader directement le service rendu permettant la qualification agrivoltaïque : les panneaux abritant le cheptel exposent les animaux à des risques d’électrocution. Le service fourni est-il alors automatiquement remis en cause ?

Il est souhaitable que le décret d’application annoncé ne se contente pas de fournir une déclinaison des quatre catégories de services mais clarifie les notions d’«atteinte substantielle » et d’«atteinte limitée » puisqu’elles sont disqualifiantes, ainsi que leur champ exact. Faute de quoi, un contentieux ne manquera pas d’émerger au vu du différentiel induit par le jeu de la qualification.

  1. Une définition indépendante du zonage urbanistique

La définition de l’agrivoltaïsme s’en tient au critère de la parcelle agricole, sans faire aucune référence au zonage urbanistique applicable. Ce parti pris était indispensable afin d’éviter de circonscrire l’application du nouveau dispositif aux seules zones agricoles identifiées par un PLU. La grande majorité des parcelles agricoles est à l’évidence classée en zone A au regard des caractéristiques mêmes de ce zonage justifié par « le potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles » (C. urb., art. R. 151-22). Mais beaucoup sont aussi incluses en zone naturelle, comme le démontre l’identité du régime d’utilisation des sols en zones A et N (C. urb., art. L. 151-11 à L. 151-13 ; R. 151-23 et R. 151-25). Les zonages urbains et à urbaniser sont également susceptibles d’inclure des parcelles agricoles, même s’il ne s’agit pas à l’évidence de leur vocation première. Le développement de l’agriculture urbaine ou périurbaine se concrétise, en effet, de plus en plus par la sanctuarisation de parcelles agricoles en agglomération. Il aurait été peu justifiable d’exclure, par principe, ces parcelles du seul fait de leur zonage. En revanche, les formes plus originales de l’agriculture urbaine telles que le remploi de sous-sol (pour y produire, par ex. des champignons) ou l’implantation de serres maraichères en toiture d’immeubles ne rentrent pas dans le champ de l’agrivoltaïsme tel qu’identifié par le code de l’énergie : le foncier n’est pas de nature agricole bien que des activités de production s’y déploient. L’exclusion n’est pas pour autant pénalisante car le code de l’énergie vise pour l’essentiel l’agrivoltaïsme au sol ; en outre, le code de l’urbanisme a déjà fait l’objet d’aménagements facilitateurs de l’agriculture urbaine hors-sol telle que la sur élévation des immeubles par dérogation au plan d’urbanisme (C. urb., art. L. 152-5-2). Ces mécanismes sont d’ailleurs confortés parallèlement par la loi du 10 mars 2023. Ainsi, le PLU peut attribuer des bonus de constructibilité jusqu’à 30 % au profit des constructions exemplaires d’un point de vue énergétique ou environnemental ou intégrant une production d’énergie renouvelable (C. urb., art. L. 151-28, 3°, mod.).

Au contraire des centrales solaires classiques qui ne sont pas considérées comme des aménagements légers par la loi « littoral » du 3 janvier 1986, les installations agrivoltaïques peuvent théoriquement être implantées dans des espaces littoraux remarquables pour peu qu’elles n’excèdent pas 50 m2 d’emprise et surtout qu’elles soient nécessaires à l’activité agricole, pastorale ou forestière (C. urb., art. L. 121-24 et R. 121-5, 4°, a).

Le principe nuancé de nécessité de l’agrivoltaïsme pour l’exploitation agricole ou forestière

La réception de l’agrivoltaïsme par le code de l’urbanisme consiste en une adaptation nuancée des règles d’utilisation d’occupation des sols dans les espaces agricoles et naturels. Au-delà de l’exonération du respect du document cadre, dont l’opposabilité est circonscrite aux centrales photovoltaïques classiques (C. urb., art. L. 111-29), la loi d’accélération instaure un principe de nécessité sans pour autant se départir d’un certain nombre de réserves.

En application de l’article L. 111-27 nouveau du code de l’urbanisme, les installations agrivoltaïques sont considérées comme nécessaires pour l’exploitation agricole, au sens des articles L. 151-11, L. 161-4 et L. 111-4. L’apport est significatif puisque, par principe, seules les constructions et installations nécessaires à l’exploitation agricole sont admises en zone agricole ou naturelle du PLU (C. urb., art. L. 151-11). Il en est de même, au titre d’une exception, en dehors des secteurs identifiés comme urbanisés par la carte communale (C. urb., art. L. 161-4) ou en dehors des parties actuellement urbanisées en l’absence de PLU ou de carte (C. urb., art. L. 111-4). En validant d’office la nécessité pour l’exploitation, le législateur entend ne pas laisser à l’appréciation du juge la vérification d’une exigence qui n’est pas explicitée par le code de l’urbanisme et ne l’est souvent que maladroitement par la rédaction des PLU. L’impressionnisme et la complexité qui caractérisent la jurisprudence sur cette question justifient donc le parti pris législatif. Les dérives soulignées à l’occasion de contentieux, notamment à propos des « bâtiments prétexte », expliquent toutefois la réserve de la loi d’accélération à propos des serres, hangars et ombrières à usage agricole, équipés de panneaux photovoltaïques. Par exception, leur nécessité ne va pas de soi. Le pétitionnaire devra donc démontrer que l’ouvrage est indispensable « à l’exercice effectif d’une activité agricole, pastorale ou forestière significative », ce qui n’est finalement qu’une exigence de droit commun….

La validation a priori de la nécessité des installations agrivoltaïques ne s’applique pas non plus sur le territoire des communes soumises à la loi « littoral ». Pour implanter en discontinuité des agglomérations, des villages ou des secteurs déjà urbanisés, des constructions nécessaires aux activités agricoles ou forestières ou aux cultures marines, le porteur de projet doit justifier de leur nécessité pour l’exploitation. A défaut, il ne peut pas bénéficier de cette exception et ne peut en tout état de cause envisager une implantation dans les espaces proches du rivage (C. urb., art. L. 121-10). Dans ces circonstances particulières, les installations agrivoltaïques ne bénéficient donc d’aucun régime de faveur alors que l’installation de panneaux solaires dans les friches littorales est en revanche admise en franchise du principe de continuité de l’extension de l’urbanisation sur le fondement d’une nouvelle disposition spécifiquement rédigée par la loi du 10 mars 2023, la seule réserve étant l’atteinte à l’environnement, notamment à la biodiversité ou aux paysages, à la salubrité ou à la sécurité publiques (C. urb., art. L. 121-12-1, nouv.).

Paradoxalement, la nécessité des ouvrages de méthanisation fait, quant à elle, l’objet d’un régime plus homogène alors qu’il s’agit pourtant et systématiquement d’installations à risques, consommatrices d’espace et suscitant une artificialisation des sols. Les installations sont qualifiées de nécessaires à l’exploitation agricole, au titre de la transformation, du conditionnement et de la commercialisation des produits agricoles, lorsque le territoire n’est couvert par aucun document d’urbanisme ou lorsqu’elles sont envisagées dans un secteur non urbanisé de la carte communale (C. urb., art. L. 111-4, mod. et L. 161-4, mod. par L., art 78). Le législateur conforte ainsi les exceptions susceptibles de bénéficier aux installations de méthanisation, la jurisprudence s’étant contentée jusqu’à présent d’en valider l’implantation au titre de l’incompatibilité avec un voisinage habité (TA Limoges, 1er juin 2017, no 1500511). Dans une zone agricole ou naturelle du PLU, les projets de méthanisation sont également admis comme nécessaires dès lors que le règlement de zone n’a pas exclu expressément les constructions et installations nécessaires à la transformation, au conditionnement et à la commercialisation des produits agricoles (C. urb., art. L. 151-11, III, nouv., créé par L., art. 78).

Le respect des règles environnementales et paysagères par les ouvrages d’énergie renouvelable implantés dans les espaces agricoles et naturels

La facilitation du déploiement des procédés d’énergie renouvelable ne doit pas conduire à brader les règles d’insertion environnementale et paysagère dont l’opposabilité n’est d’ailleurs pas remise en cause par le nouveau texte. De façon classique, les PLU peuvent prescrire des règles relatives au gabarit, à l’aspect extérieur des installations et/ou leur insertion paysagère ; en tout état de cause, l’article R. 111-27 du code de l’urbanisme systématiquement applicable car d’ordre public permet de refuser la délivrance d’une autorisation de construire si son implantation s’avère calamiteuse dans un site remarquable (CAA Bordeaux, 29 juin 2017, n° 15BX02459 : à propos d’une centrale photovoltaïque de 10 hectares sur le plateau des Causses du Larzac).

La loi du 10 mars 2023 rajoute à ces exigences génériques des contraintes urbanistiques supplémentaires s’agissant des projets solaires mais s’efforce d’alléger l’obtention de la dérogation à l’interdiction de porter atteinte aux espèces protégées ou à leur habitat.

Une autorisation de construire inédite pour les projets solaires

Le champ d’application de l’autorisation de construire reste inchangé s’agissant des constructions sur lesquelles sont posés des panneaux. La même constance est observée pour les équipements au sol puisqu’un décret du 26 décembre 2022 a récemment procédé à un assouplissement de l’autorisation requise. Sont soumises à permis les équipements dont la puissance crête est supérieure à 250 kWc ; une étude d’impact et une enquête publique sont, en outre, exigées dans cette hypothèse. L’autorisation simplifiée au titre de la déclaration préalable de travaux est requise pour les ouvrages de production d’électricité dont la puissance crête est inférieure à trois kilowatts et de plus de 1,80 m ainsi que pour ceux dont la puissance crête est supérieure ou égale à trois kilowatts et inférieure à un mégawatt quelle que soit leur hauteur (C. urb., art. R. 421-9, h, mod. par D. n° 2022-1688, 26 déc. 2022, art. 1er).

La loi d’accélération met en place, en revanche, les grandes lignes d’un régime particulier d’autorisation des projets solaires avant qu’un décret ne fournisse les précisions nécessaires. Le dispositif repose à la fois sur des exigences de procédure dont la portée est curieusement renforcée à l’encontre de l’agrivoltaïsme et sur des conditions de fond supplémentaires.

  1. L’avis systématique de la CDPENAF

La consultation de la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers est, en premier lieu, posée comme un préalable systématique, sans préjuger de l’intervention supplémentaire éventuelle de la commission des sites. La CDPENAF, créée en 2010, pour protéger les espaces agricoles des assauts de l’étalement urbain a vu son rôle s’élargir à la défense plus globale des espaces non urbanisés (C. rur., art. L. 112-1-1) ce qui justifie sa consultation à propos des projets solaires. Elle pouvait d’ores et déjà émettre un avis à leur propos au titre de l’auto-saisine (C. rur., art. L. 112-1-1, al. 4) mais le recours à ce mécanisme est apparu insuffisant car aléatoire.

L’avis de la CDPENAF est simple s’agissant des centrales solaires photovoltaïques ou thermiques dès lors que le projet est envisagé sur des terrains répertoriés par le document cadre visé à l’article L. 111-29 ; il est conforme si le projet est instruit avant l’adoption du document cadre et peut ainsi bloquer le projet. Les installations agrivoltaïques sont, pour leur part, systématiquement soumises à l’avis conforme donc au veto de la CDPENAF (C. urb., art. L. 111-31, nouv.) alors qu’elles sont pourtant les plus respectueuses de la vocation agricole ou forestière des sols au regard de la définition imposée par le code de l’énergie. Les hypothèses d’avis conforme de la CDPENAF étaient jusque-là circonscrites à la qualification du projet d’intérêt communal hors parties urbanisées et au changement de destination des constructions en zone agricole du PLU (C. urb., art. L.111-5 et L. 151-13).

  1. Une réversibilité imposée aux projets solaires

Afin de garantir la réversibilité des ouvrages solaires, l’autorisation de construire n’est accordée que pour une durée limitée, à préciser par voie règlementaire. Le permis de construire ou la non-opposition à travaux imposera donc de façon inédite la durée d’existence de la construction (C. urb., art. L. 421-6-2, nouv.). Si l’on excepte le permis précaire (C. urb., art. L. 433-1), ce mécanisme est original d’autant qu’il semble s’appliquer aussi aux panneaux installés sur les serres, hangars et ombrières, en raison de la mise en dénominateur commun de l’article L. 111-32 qui prescrit cette contrainte aux installations agrivoltaïques et aux autres ouvrages de production d’énergie photovoltaïque.

Sans doute inspiré par le mécanisme prévu pour faire face au recul du trait de côte (C. urb., art. L. 121-22-6), la loi du 10 mars 2023 permet également de conditionner la mise en œuvre de l’autorisation à la constitution de garanties financières, notamment quand la sensibilité particulière du terrain d’assiette ou l’importance de l’installation le justifie (C. urb., art. L. 111-32, dernier al.).

Le propriétaire du terrain d’assiette sur qui pèse l’obligation de démantèlement peut être contraint de procéder plus rapidement à la remise en état l’ouvrage dans deux hypothèses : l’ouvrage n’est pas ou plus exploité ou bien les conditions de compatibilité avec l’activité agricole, forestière ou pastorale ne sont plus satisfaites (C. urb., art. L. 111-32, nouv.). Cette seconde hypothèse paraît concerner les seules centrales solaires classiques au vu des exigences posées par le code de l’énergie à propos de l’agrivoltaïsme mais le décret attendu devra le confirmer.

Ces contraintes fortes sont assumées par le seul propriétaire des terrains et non par le propriétaire des installations. Il bénéficiera toutefois d’une dispense de formalité pour démanteler (C. urb., art. L. 421-5-2).

L’assouplissement relatif des conditions d’obtention de la dérogation espèces protégées

Parce qu’ils suscitent un risque caractérisé d’atteinte aux espèces protégées et/ou à leurs habitats, certains projets de production d’énergie renouvelable doivent faire l’objet d’une dérogation préfectorale. Conformément aux dispositions communautaires, l’article L. 411-2 du code de l’environnement subordonne l’octroi de cette dérogation à plusieurs conditions cumulatives. Le projet doit être justifié par une raison impérative d’intérêt public majeur, aucune solution de substitution ne doit être envisageable et la dérogation ne doit pas nuire au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle. La nécessité d’une dérogation et la vérification de ces conditions d’octroi alimentent un contentieux nourri, source d’une insécurité juridique réelle pour les porteurs de projet. Les précisions récemment fournies par le Conseil d’Etat à propos des hypothèses dans lesquelles une dérogation doit être sollicitée (CE avis, 9 déc. 2022, n° 463563) ne sont pas apparues suffisamment rassurantes et ce d’autant moins que l’omission de la dérogation peut désormais être à l’origine d’un référé liberté pour atteinte grave et manifestement illégale au droit à l’environnement (TA Pau, ord., 10 nov. 2022, n° 2202449). La loi d’accélération affirme donc que toutes les installations de production d’énergie renouvelable ou celles de stockage d’énergie, répondant à des conditions qui devront être fixées par décret, sont réputées satisfaire à une raison impérative d’intérêt public majeur (C. énergie, art. L. 211-2-1, nouv. ; C. envir., art. L. 411-2-1, nouv.).

La satisfaction d’office à l’une des exigences clef d’octroi de la dérogation ne pose pas de difficultés en termes de constitutionnalité puisque les autres conditions restent opérationnelles (Cons. const., déc., 9 mars 2023, n° 2023-848 DC : JO, 11 mars), le texte du 10 mars 2023 précisant d’ailleurs que l’existence d’une zone d’accélération ne constitue pas en tant que telle une autre solution écologiquement satisfaisante. La consécration législative de la raison impérative d’intérêt public majeur est au demeurant cohérente avec le droit européen, tout en étant plus réservée. Un règlement du Conseil de l’Union européenne reconnaît sans condition que la production d’énergie renouvelable participe d’un intérêt public supérieur, au titre de dispositions d’urgence applicables à compter du 30 décembre 2022 et pendant 18 mois ; elles pourront être reconduites par la Commission européenne si la situation énergétique le justifie (Règlement (UE) 2022/2577 du Conseil du 22 décembre 2022 établissant un cadre en vue d’accélérer le déploiement des énergies renouvelables : JOUE n° L 335, 29 déc.).

  1. n° 2023-175, 10 mars 2023 : JO, 11 mars -Cons. const., déc., 9 mars 2023, n° 2023-848 DC : JO, 11 mars

Site EditionsLégislatives 24/03/2023

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