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La contractualisation patine en viande bovine

La contractualisation patine en viande bovine

La mise en place de contrats écrits entre les éleveurs et leurs premiers acheteurs, obligatoire depuis le 1er janvier 2022 pour certaines catégories de bovins, peine à faire son chemin. Le contexte de hausse des prix a figé les négociations, et les dispositions de la loi ne font pas l’unanimité.

« Quelques contrats ont été signés, mais ils concernent avant tout des professionnels déjà convaincus de l’intérêt de la démarche et habitués à contractualiser », rapporte Bruno Colin, président du pôle animal de la Coopération agricole.

Pas de consensus

Dans la filière bovine, la contractualisation obligatoire entre les éleveurs et leurs premiers acheteurs ne fait pas consensus. Les hausses des charges et du prix des bovins depuis le début de l’année, n’ont rien arrangé. « L’instabilité conjoncturelle n’incite pas les éleveurs à se lancer, d’autant plus lorsqu’il s’agit de se positionner sur un tunnel de prix à bornes fixes, poursuit Bruno Colin. Et pour cause, qui aurait pu imaginer, il y a quelques mois encore, que les réformes laitières dépasseraient 4,80 €/kg de carcasse ? »

S’agissant de la prise en compte du coût de production, les éleveurs sont aussi en quête de réassurance. « Ils ont flambé de 0,60 € par kilo de carcasse en trois mois, souligne Bruno Dufayet, président de la Fédération nationale bovine (FNB). Le rôle de la loi Egalim 2, visant à connecter les prix de vente en fonction de l’évolution des charges devient crucial. »

Des « catégories les plus faciles à contractualiser »

Dans ce contexte, « les animaux haut de gamme entrant dans une démarche qualité et les jeunes bovins, dont le cycle de production est relativement court, semblent être les catégories les plus faciles à contractualiser », analyse Bruno Colin.

Pour répondre aux obligations de la loi, certaines coopératives ont décidé de modifier leurs statuts pour devenir acheteurs associés à l’éleveur. C’est par exemple le cas de Celia, basée en Aveyron, qui a « fait le choix de gérer collectivement Egalim 2. Nous n’avons pas retenu l’option des contrats individuels écrits », indique la coopérative, dans une note à ses adhérents le 4 mars 2022.

D’autres acteurs, comme les abatteurs, se mettent progressivement à la page. Chez Elivia, le numéro deux français de la viande de bœuf, « les volumes sous contrat avoisinent 17 % et nous faisons partie des acteurs les plus avancés sur ce dossier », estime Yann Denou, directeur commercial, achats vifs et développement des ventes.

Clauses de revoyure

Pour les producteurs hésitants, Philippe Auger, président d’Elvea France, rappelle que « les contrats pluriannuels peuvent contenir des clauses de revoyure ». « Rien n’empêche l’éleveur d’indiquer que, si le tarif déterminé au départ se retrouve inférieur au cours du marché, c’est ce dernier qui fait foi », conforte Bruno Dufayet.

Raymond Guimonteil, éleveur et membre du collectif « Agriculteurs et négociants solidaires » hostile à l’obligation de contractualiser, est plus sceptique. « Si nous avions signé des contrats il y a six mois, nous passerions notre temps à faire fonctionner ces clauses de revoyure auprès de nos acheteurs », s’agace-t-il.

L’étiolement de l’offre de viande bovine liée à la décapitalisation des cheptels pourrait toutefois conforter la position des éleveurs dans les négociations. « L’obligation de contractualiser devient un outil dont s’emparent les industriels pour sécuriser leurs approvisionnements », observe Emmanuel Bernard, président de la section bovine de l’interprofession du bétail et des viandes (Interbev). Or « les contrats n’engagent toujours que la plus faible des deux parties », pointe Denis Perreau, secrétaire national de la Confédération paysanne en charge de l’élevage.

Ajustements nécessaires

Six mois après l’entrée en vigueur de la contractualisation obligatoire, « des évolutions sont à entamer, sans remettre en cause les principes fondamentaux de la loi », précise Philippe Auger. Elvea France compte proposer au ministre de l’Agriculture d’abaisser l’obligation de contractualiser à 60 % des volumes. Dominique Truffaut, président de la Fédération française des commerçants en bestiaux (FFCB), maintient, en effet, que « la contractualisation n’est possible que sur certaines catégories de bovins et qu’à une partie des volumes ».

Pour engager tous les maillons de la chaîne, l’association d’éleveurs veut aussi étendre l’obligation de contrats aux abatteurs, voire à la grande distribution. Une position que partage Stéphane Charbonneau, responsable de la section bovine de la Coordination rurale. « Les hausses de prix peinent à se répercuter à l’aval », appuie-t-il.

La durée des contrats, prévue sur trois ans dans le texte de loi, semble aussi être un frein. « C’est très délicat d’engager des volumes sur une période aussi longue », note Denis Perreau. « On reste sur du commerce au coup par coup, qui fonctionne à la demande, et qui nécessite de la souplesse », abonde Raymond Guimonteil.

De leur côté, les marchés aux bestiaux exemptés de la loi Egalim 2, enregistrent « chaque semaine de nouveaux éleveurs apporteurs sur les cadrans et de nouveaux commerçants sur les gré à gré », rapporte Marion Donars, codirectrice de la Fédération française des marchés de bétail vif (FMBV). Pour elle, il y a surtout un effet prix. « Dans un contexte de forte demande et d’offre modérée, la mise en concurrence est le meilleur moyen de correctement valoriser les animaux », défend-elle. Et de préciser que « compte tenu du peu de contrats signés, il est encore tôt pour évaluer les effets de la loi Egalim 2 sur les apports ».

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