Selon la Cour de cassation, seuls les biens nécessaires à l'exploitation peuvent bénéficier de l'exonération des droits de mutation à titre gratuit à concurrence des 3/4 de leur valeur.
Le développement des techniques sociétaires dans l’organisation de l’entreprise et le fait que, depuis le 1er janvier 2019, les parts de sociétés unipersonnelles entrent dans le champ d’application de l’article 787 B du CGI, ne laissaient qu’une place restreinte au dispositif prévu par l’article 787 C du CGI qui transpose à l’exploitation individuelle le bénéfice de l’exonération à titre gratuit à concurrence de
75 %. Il reste cependant des entreprises unipersonnelles dont la valeur est suffisante pour générer, en cas de donation ou de décès, des droits de mutation à titre gratuit, pour lesquels les donataires ou héritiers seront heureux de pouvoir bénéficier de l’exonération de 75 %.
L’application de ce dispositif qui porte sur des biens et non sur des parts sociales a pu poser des problèmes au regard de l’obligation de conservation, mais il a été précisé que le renouvellement de certains actifs qui s’imposait à raison de leur obsolescence n’entraînait pas rupture de l’engagement (Rép. min. n° 52479, 22 févr. 2005 : JOAN Q, p. 1912). Le fait que les éléments de l’exploitation ne soient pas « enfermés » dans l’enveloppe des parts sociales a conduit l’administration à préciser que la transmission doit porter sur les biens corporels ou incorporels affectés à l’exploitation et que les biens affectés sont ceux qui sont nécessaires à l’exploitation. La question pouvait se poser de savoir si le « fonds de roulement » bénéficiait de l’exonération, et la Chambre commerciale a été amenée à répondre à cette question.
Un exploitant agricole étant décédé, ses héritiers demandaient le bénéfice de l’exonération et ils avaient intégré dans la valeur de l’exploitation des valeurs de placement d’un montant de 90 121,52 € et des sommes provenant de la succession de l’épouse du défunt s’élevant à 115 192,79 €. L’administration ayant remis en cause le bénéfice de l’exonération sur ces valeurs, les légataires contestaient au motif que le texte prévoyait de s’étendre aux biens « affectés » et non à ceux « strictement nécessaires » à l’exploitation.
La cour d’appel avait relevé que pour l’exploitant décédé qui était âgé de 86 ans, les liquidités étaient largement supérieures aux charges courantes et que d’ailleurs les héritiers avaient démontré après le décès que les liquidités « normales » de l’entreprise suffisaient à financer les investissements nécessaires sans recourir aux sommes écartées de l’exonération.
La Cour de cassation, de manière fort logique, confirme le redressement et ce faisant fait savoir aux exploitants et à leurs héritiers qu’en cas d’inscription au bilan de l’exploitation de valeurs de placement non nécessaires à celle-ci, elles ne peuvent par ce truchement bénéficier de l’exonération des 3/4.
Cass. com., 9 févr. 2022, n° 20-10.753, n° 109 D Site EditionsLégislatives 09/03/2022