Selon la Cour d’Appel Administrative de Nantes, l'analyse lacunaire des impacts d'un projet d'extension à proximité du littoral provoque l'illégalité de l'autorisation préfectorale.
La confirmation de l’annulation d’un arrêté préfectoral autorisant le quasi doublement des capacités d’exploitation d’une porcherie hors-sol a donné l’occasion à la cour administrative de Nantes de rappeler les enjeux relatifs à l’évaluation environnementale que doit fournir le pétitionnaire.
Les négligences grevant l’étude justifient, en effet, la solution retenue par les magistrats nantais qui confortent ainsi le jugement rendu, dans le même sens, en première instance (TA Rennes, 17 mai 2019, n°1603452) : au vu de l’importance du projet et du contexte dans lequel il est envisagé, l’évaluation n’est pas suffisamment précise ni proportionnée aux enjeux.
La légèreté de l’exploitant tout autant que celle de l’autorité administrative sont en l’occurrence assez surprenantes alors même que la mission régionale de l’autorité environnementale, chargée d’examiner le sérieux de l’évaluation au titre de l’article L. 122-1, V du code de l’environnement, avait dûment alerté sur les carences évidentes du document ; le raisonnement juridictionnel est en revanche très classique.
S’agissant de porter les capacités d’exploitation de 8965 à 12090 animaux-équivalents, de créer par voie de conséquence une nouvelle lagune de stockage des eaux issues des effluents et de rajouter plus de 21 hectares de terres au plan d’épandage existant, la vigilance s’imposait ; d’autant que le principal site concerné par l’extension est situé à 2 kilomètres du littoral, à proximité d’un ruisseau côtier, et est bordé par des zones humides et des landes. La station de traitement du lisier est, en outre, implantée à moins de 200 mètres d’un secteur habité.
La mission régionale de l’autorité environnementale (MRAE) avait relevé de nombreuses insuffisances du dossier, qu’il s’agisse de la description même des travaux, de l’analyse des conséquences de l’extension pour les riverains, de l’absence d’étude des risques liés au passage en zone humide d’une canalisation reliant le site d’exploitation et la nouvelle lagune, sans pour autant obtenir de l’exploitant les compléments sollicités. Elle avait également souligné la situation préoccupante du bassin versant dans lequel les nouveaux épandages allaient être effectués : les teneurs en nitrate des masses d’eau étaient particulièrement élevées (100 mg/l) alors que la limite de potabilité est fixée à 50, les plages les plus proches avaient été fermées pour cause de pollution bactérienne ce qui justifiait l’accent mis, par le schéma d’aménagement et de gestion des eaux du Bas Léon, sur les actions de réduction de l’azote et du phosphore.
Ce constat n’avait pas davantage ébranlé la conviction préfectorale. Les avis de la MRAE, quel qu’en soit le sens, ne sont, il est vrai, pas de nature à lier la décision finale. Ne pas en tenir compte expose cependant à des risques contentieux élevés. Les requérants potentiels trouvent d’autant plus aisément dans les avis de l’autorité environnementale les arguments susceptibles de se transformer en moyens d’annulation que ces avis sont intégrés au dossier d’enquête publique. Les juridictions ont, pour leur part, pris l’habitude de se référer directement aux prises de position des MRAE pour apprécier la suffisance et le sérieux d’une évaluation environnementale dont la teneur scientifique est d’une compréhension délicate (CAA Bordeaux, 14 mars 2014, n°15BX02701 : validation de l’autorisation d’exploiter une carrière en se référant expressément à l’avis positif de l’autorité environnementale quant à l’évaluation produite par le pétitionnaire).
Après avoir exclu toute possibilité de neutraliser des anomalies aussi graves au titre de la « danthonysation » (CE Ass., 23 déc. 2011, n°335033), la juridiction nantaise a donc rejeté l’appel formé par l’éleveur. Toutefois, cette défaite contentieuse n’est pas décisive car l’exploitant a bénéficié, depuis le premier jugement, d’une autorisation provisoire de fonctionnement ce qui lui a permis d’augmenter comme prévu le cheptel… et a redéposé une demande d’autorisation. Il n’est pas donc exclu qu’une régularisation administrative vienne entériner définitivement cette situation de fait.
CAA Nantes, 5 nov. 2021, n° 19NT02610 – Site EditionsLégislatives 26/1106/2021