Elle ne peut bénéficier du dispositif de l'article 730 bis du CGI, même en étant propriétaire de terrains agricoles.
La cour d’appel de Bordeaux vient de fournir un exemple d’analyse didactique des conditions d’imposition d’une cession de parts sociales d’une société immobilière ayant bénéficié d’un apport préalable de terrains agricoles.
La transaction, effectuée en 2012, s’est déroulée en plusieurs étapes : apport des domaines agricoles à la SCI, puis cession de parts suivie dans la même journée d’une modification des statuts pour y intégrer des objectifs de nature agricole et enfin octroi d’un bail rural sur les terrains apportés.
L’administration fiscale a appliqué à cette cession de parts des droits d’enregistrement de 5 %, estimant que l’article 727 du CGI, définissant les modalités d’imposition des apports en nature des biens immobiliers réalisés depuis moins de trois ans, trouvait à s’appliquer à l’espèce. Les cédants souhaitaient au contraire bénéficier du droit fixe de 125 euros prévu par l’article 730 bis du CGI. A l’époque, ce régime de faveur était ouvert à toutes les sociétés civiles à objet principalement agricole, même non exploitantes.
Déjà déboutés en première instance, les requérants n’ont pas obtenu de meilleurs résultats en appel, la cour de Bordeaux estimant que la société n’avait pas un objet principalement agricole à la date de la cession.
Le litige portait en effet sur ce point exclusif. La SCI étant bien une société civile, non exploitante, restait à déterminer son objet pour savoir si elle entrait ou nom dans le cadre de l’article 730 bis. Pour ce faire, le juge a refusé d’appliquer automatiquement la doctrine de l’administration fiscale qui exclut de facto les SCI du dispositif car elles ne relèvent pas du code rural (BOI-ENR-DMTOM-40-50-20, 1). Il a cependant mené une analyse circonstanciée qui l’a conduit à adopter la même position que l’administration fiscale.
La SCI était dotée d’un objet classique pour une société immobilière : l’acquisition, la location, la gestion et l’administration de tous immeubles ou droits immobiliers, ainsi que de toutes opérations mobilières, immobilières ou financières s’y rattachant directement ou indirectement. Cet objet statutaire a été repris sans modification dans l’acte de cession. Il a, pour le juge, une nature strictement immobilière et ne peut, de ce simple fait, être assimilé à une activité principalement agricole.
Certes, concomitamment à la cession, les statuts ont été modifiés pour faire référence à la mise en valeur exclusivement par des baux ruraux ainsi qu’à l’usage agricole des biens. Le juge rappelle toutefois que l’objet de la société s’apprécie au moment même de la cession. Or les statuts, même adoptés le même jour, sont postérieurs à la cession puisqu’ils désignent nommément les cessionnaires comme détenteurs du capital social.
Ainsi donc, alors même que la SCI a été dotée d’un objet principalement agricole le même jour que celui de la cession des parts, le bénéfice du droit fixe de 125 euros ne pouvait lui être accordé.
A noter toutefois, cette décision ne trouve pas à s’appliquer sous le régime fiscal actuellement en vigueur. Pour les sociétés à objet principalement agricole, la loi de finances pour 2020 a en effet conditionné le bénéfice du droit d’enregistrement de 125 € au fait que la société soit constituée depuis au moins trois ans avant la date de la cession.
Le législateur entend ainsi décourager la pratique d’optimisation fiscale consistant à transformer une société ordinaire en société civile agricole juste avant la cession des parts afin de bénéficier du taux d’enregistrement fixe accordé aux GAEC, EARL, SCEA et GFA (CGI, art. 730 bis, mod. par L. fin. 2020 n° 2019-1479, 28 déc. 2019, art. 20).
CA Bordeaux, 2 juin 2021, n° 18/05225 – Site EditionsLégislatives 10/06/2021