Comment connaître l’impact environnemental de l’achat d’une côte de bœuf ou d’une baguette ? C’est la difficile question à laquelle a promis de répondre l’affichage environnemental institué par la loi du 10 février 2020, relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire et à l’économie circulaire. Il a vocation à s’appliquer sur tous les produits de consommation, y compris alimentaires, bruts ou transformés, afin d’orienter le grand public vers une consommation plus respectueuse de l’environnement.
Une formule à trouver
Une expérimentation de dix-huit mois a été lancée pour trouver la bonne formule. Le ministère de l’Agriculture a annoncé, en septembre 2020, l’ouverture d’un appel à candidatures. Un rapport d’évaluation et de propositions est attendu d’ici au mois de juillet, et sera soumis au Parlement afin d’aboutir à une loi probablement cet automne, selon l’Institut de l’agriculture et de l’alimentation biologiques (Itab).
Le sujet pourrait être ensuite porté au niveau européen par la France, lorsqu’elle prendra la présidence tournante du Conseil en janvier 2022. Neuf organisations (1) ont pour l’instant postulé. « Ce sont des acteurs de la distribution, de la transformation et du numérique », précise l’Ademe, chargée de suivre l’appel, qui sera clôturé le 15 mars 2021.
Si le Président de la République s’est déclaré favorable, le 14 décembre 2020, à un « score carbone pour évaluer l’impact environnemental des produits », les critiques de plusieurs organisations agricoles contre les données existantes en matière alimentaire montrent la complexité de produire un affichage fiable et compréhensible.
D’autres indicateurs
La base de données Agribalyse, copilotée par l’Ademe et l’Inrae, fait partie des ressources exploitables par les candidats, mais elle a eu droit à son lot de critiques par différentes organisations de producteurs. Elle compile les analyses de cycle de vie (ACV), autrement dit les impacts générés sur l’environnement de la fourche à la fourchette, de 2 700 produits et leur attribue un « score environnemental ».
Mais celui-ci n’est pas destiné au grand public, alerte l’Ademe. Il s’agit d’une valeur brute scientifique définie pour un produit standard et calculée à partir de seize indicateurs. « Il y a encore des manquements, nuance Vincent Colomb, de l’Ademe. La réflexion est en cours pour intégrer d’autres indicateurs. »
Le score environnemental ne présente que des aliments moyens conventionnels et ne permet pas de différencier les origines, ou encore le mode de production. « L’Analyse de cycle de vie prend en compte uniquement certains impacts négatifs, et pas les impacts positifs. Il est donc nécessaire d’intégrer des indicateurs complémentaires et des méthodes de pondération pour faire un affichage qui remplisse l’objectif d’informer le citoyen de manière pertinente »,
Réserves sur la viande
Pour l’interprofession du bétail et des viandes (Interbev), la seule méthode « aboutie » à ce jour présente « un biais majeur lorsqu’il s’agit d’analyser l’empreinte environnementale des produits issus de l’élevage ». Elle réclame l’allongement de l’expérimentation, dans l’attente de la prise en compte d’indicateurs complémentaires spécifiques aux viandes bovine et ovine.
Ces indicateurs intègrent « des enjeux agroécologiques tels que la biodiversité, le stockage de carbone dans les sols et le maintien des prairies, mais aussi des enjeux d’écoconception comme la valorisation des coproduits en abattoir, relève Caroline Guinot, responsable RSE à Interbev. En plus de compléter l’information au consommateur, il faut que l’affichage puisse rendre compte des bonnes pratiques des entreprises. »
Le projet Oeko-Beef, cofinancé par l’Ademe, vise à alimenter les données basées sur l’ACV et à soumettre une évaluation environnementale plus juste des viandes rouges. Pour Sandrine Espagnol, chargée des bilans environnementaux à l’Institut du porc (Ifip), « la méthode de l’Analyse de cylce de vie a le mérite d’intégrer tous les impacts de la chaîne de production, mais il est vrai que les résultats sont incomplets. »
Les échelles de comparaison sont un des points à travailler. « Le but n’est pas de comparer une salade à un jambon, mais bien d’apporter un éclairage au sein d’une même gamme de produits. D’autres réflexions sont en cours pour définir l’unité d’expression des impacts la plus informative possible », poursuit-elle. La méthode de l’Analyse de cycle de vie, qui ramène tout au kilo de produit, favorise à ce stade les cycles de production « les plus courts, donc les plus industriels », reprend Interbev.
Besoin de temps
Du côté des productions végétales, l’enjeu semble moindre, mais le sujet n’en est pas moins suivi. « J’ai beaucoup de doute sur la faisabilité d’un étiquetage environnemental car on touche à des choses extrêmement complexes », estime le président de l’Association générale des producteurs de blé et autres céréales (AGPB).
L’interprofession des fruits et légumes est également assez réticente à la version actuelle du projet. Sans remettre en cause Agribalyse, le président d’Interfel, évoque son « exploitation trop rapide ». Il souligne le risque de voir être privilégiées les productions les plus intensives, ce qui serait contre-productif au regard des intentions actuelles des pouvoirs publics.
(1) Yuka, Karbon (application), Atla (Association de la transformation laitière française), Elior, La Note globale, L’Empreinte (plateforme de vente en ligne), Adepale (Association des entreprises de produits alimentaires élaborés), Groupement Les Mousquetaires, Invitation à la ferme.
Site LaFranceAgricole – Actualités 28/01/2021