Dans l’affaire Monsanto, la Cour de cassation donne raison à l’agriculteur qui, tombé malade après avoir inhalé un herbicide, invoquait la responsabilité du fait des produits défectueux. Notamment, elle retient que le producteur du produit aurait dû signaler le danger spécifique d’utiliser le produit.
En 2004, un agriculteur inhale accidentellement en nettoyant une cuve les vapeurs d’un herbicide (le Lasso) qu’il a acquis auprès d’une coopérative agricole, commercialisé par la société Monsanto agriculture France, jusqu’à son retrait du marché, en 2007. Il invoque la responsabilité sans faute du producteur du fait d’un produit défectueux (C. civ. art. 1245 à 1245-17 ; ex-art. 1386-1 à 1386-18) et demande à la société Monsanto réparation de son préjudice corporel.
Dans un premier temps, la victime n’avait pas invoqué ce régime mais celui de la responsabilité extracontractuelle ; la Cour de cassation avait cependant retenu que le juge devait appliquer d’office le régime d’ordre public de la responsabilité du fait des produits défectueux (Cass. ch. mixte 7-7-2017 no 15-25.651 PBRI : RJDA 11/17 no 769).
Dans un arrêt destiné à une large diffusion, la Cour de cassation réfute un à un tous les arguments du fabricant de l’herbicide et confirme l’arrêt de la cour d’appel qui a donné raison à l’agriculteur, sauf en ce qui concerne le montant des dommages-intérêts dus à l’agriculteur.
Quand un produit est-il mis en circulation ?
La loi 98-389 du 19 mai 1998, qui a intégré dans le Code civil un régime de responsabilité sans faute du producteur du fait d’un produit défectueux, s’applique aux produits dont la mise en circulation est postérieure au 22 mai 1998 (Loi de 1998 art. 21). Un produit est mis en circulation lorsque le producteur s’en est dessaisi volontairement et il ne fait l’objet que d’une seule mise en circulation (C. civ. art. 1245-4).
Qui était le producteur de l’herbicide ?
Est assimilée à un producteur toute personne agissant à titre professionnel qui se présente comme producteur en apposant sur le produit son nom, sa marque ou un autre signe distinctif (C. civ. art. 1245-5, al. 2-1o).
Preuve de l’imputabilité du dommage au produit
Celui qui agit en responsabilité du fait d’un produit défectueux doit prouver le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le défaut et le dommage (C. civ. art. 1245-8).
Le fabricant aurait dû alerter les utilisateurs sur la dangerosité du produit
Un produit est défectueux lorsqu’il n’offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre et, dans l’appréciation de la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre, il doit être tenu compte de toutes les circonstances et notamment de la présentation du produit, de l’usage qui peut en être raisonnablement attendu et du moment de sa mise en circulation (C. civ. art. 1245-3).
Pas d’exonération de responsabilité pour insuffisance des connaissances scientifiques
Le producteur est responsable de plein droit à moins qu’il ne prouve que l’état des connaissances scientifiques et techniques, au moment où il a mis le produit en circulation, n’a pas permis de déceler l’existence du défaut (C. civ. art. 1245-10, 4o).
En ne protégeant pas son visage, l’agriculteur n’avait pas commis de faute
La responsabilité du producteur peut être réduite ou supprimée, compte tenu de toutes les circonstances, lorsque le dommage est causé conjointement par un défaut du produit et par la faute de la victime ou d’une personne dont la victime est responsable (C. civ. art. 1245-12).
Pour que le producteur soit libéré, il doit démontrer que le comportement de la victime a eu pour effet de rompre le lien de causalité avec le fait du produit dans la réalisation du dommage.
Cass. 1e civ. 21-10-2020 n° 19-18.689 FS-PBRI, Sté Monsanto agriculture France c/ F.
L’@ctualité en ligne, www .efl.fr 01/12/2020