Pour la Cour d’appel, une résidence de tourisme ne peut invoquer ni l’exception d’inexécution ni la force majeure pour échapper au paiement des loyers commerciaux des premier et deuxième trimestres 2020, juge une cour d’appel statuant au fond.
A noter : La question du paiement des loyers commerciaux dus pendant la crise sanitaire suscite un contentieux nourri. La décision commentée constitue, à notre connaissance, l’une des premières décisions rendues au fond sur cette question.
Deux types d’arguments sont en général avancés par les locataires commerciaux.
– Sont d’abord invoquées les exceptions tirées de l’application du droit commun des contrats. Le juge des référés parisiens a déjà écarté tant l’exception d’inexécution que la force majeure (TJ Paris réf. 26-10-2020 no 20/53713 et no 22/55901 : BRDA 22/20 inf. 24). La cour d’appel de Grenoble s’inscrit ici dans la droite ligne de cette tendance, dans une décision rendue cette fois au fond, ce qui fait tout son intérêt. En relevant que toute activité n’était pas devenue impossible, la cour d’appel de Grenoble semble cependant laisser ouverte la possibilité d’invoquer la théorie des risques, selon laquelle les risques seraient supportés par le débiteur de l’obligation devenue impossible à la suite de la survenance d’un cas de force majeure – en l’espèce, le bailleur – dispensant ainsi le locataire de son obligation corrélative. L’exigence tirée de la bonne foi dans l’exécution des contrats avait eu plus de succès devant le juge des référés ; selon lui, il lui incombait de vérifier si les circonstances n’avaient pas rendu nécessaire une adaptation des modalités d’exécution des obligations respectives des parties, susceptible d’influencer leur exigibilité (TJ Paris réf. 26-10-2020 no 20/53713 et no 22/55901 précités ; TJ Paris 10-7-2020 no 20/04516 : BRDA 17/20 inf. 18). Il ne semble pas que l’obligation de bonne foi ait été invoquée au cas présent. Les faits ne s’y prêtaient sans doute pas : les bailleurs de résidences de tourisme sont très souvent des particuliers qui se sont endettés pour réaliser un investissement locatif dans le cadre d’une opération de défiscalisation, tandis que leurs locataires sont des résidences de tourisme exploitées par des sociétés de taille importante.
– Sont ensuite soulevés les arguments tirés du droit dérogatoire. Deux textes (Ord. 2020-306 du 25-3-2020 et Ord. 2020-316 du 25-3-2020) étaient ainsi susceptibles de venir au secours du locataire commercial rencontrant des difficultés économiques à l’occasion du premier confinement. Ces deux textes neutralisent certaines des sanctions encourues par le locataire en cas de défaut de paiement des loyers pendant la crise sanitaire, mais ne suspendent pas l’exigibilité de ces loyers. En l’espèce, la résidence de tourisme se prévalait de l’ordonnance 2020-316 du 25 mars 2020 pour échapper au paiement d’intérêts de retard.
On sait que le champ d’application de ce texte, conçu pour les petites entreprises susceptibles de bénéficier du fonds de solidarité, et initialement défini par référence à l’article 1er du décret 2020-371 du 30 mars 2020, a vu son assise textuelle disparaître sous l’effet, mécanique, des retourches successives des dispositions sur le fonds de solidarité ; de sorte qu’en théorie presque toutes les entreprises devraient désormais pouvoir s’en prévaloir (voir nos observations BRDA 17/20 inf. 18). La cour d’appel de Grenoble refuse cependant de s’engager dans cette voie et écarte la demande formée par la résidence de tourisme sous cet angle.
La loi 2020-1379 du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l’état d’urgence sanitaire contient de nouvelles dispositions très favorables à certains locataires commerciaux (voir BRDA 23/11 inf. 26). Les critères d’éligibilité à ce nouveau dispositif doivent être fixés par un décret (non paru à la date de rédaction du présent article).
CA Grenoble 5-11-2020 n° 16/04533, D. c/ SAS Appart City
L’@ctualité en ligne, www .efl.fr 27/11/2020