Une étude estime que la méthodologie et les pratiques actuelles d'analyse du cycle de vie ne sont pas suffisantes pour évaluer correctement les systèmes agroécologiques tels que l'agriculture biologique.
Une étude publiée dans la revue Nature sustainability montre les difficultés d’évaluation des performances de l’agriculture conventionnelle et de l’agriculture biologique.
La méthode la plus courante pour évaluer les impacts environnementaux de l’agriculture et de l’alimentation est l’analyse du cycle de vie (ACV). Des études utilisant cette méthode montrent parfois que l’agriculture biologique est plus néfaste vis-à-vis du climat que l’agriculture conventionnelle car elle produit des rendements plus faibles et utilise donc plus de terres pour compenser.
Remarque : l’analyse du cycle de vie (ACV) est une méthode d’évaluation normalisée permettant de réaliser une évaluation environnementale multicritère d’un système ou un produit sur l’ensemble de son cycle de vie.
Or, une nouvelle analyse critique basée sur de nombreuses études d’ACV démontre que cette mise en œuvre de l’ACV est trop simpliste et passe à côté d’avantages majeurs de l’agriculture biologique.
Absence de prise en compte de la biodiversité
Les chercheurs montrent que les études d’ACV actuelles ne prennent que rarement en compte la biodiversité, qui est d’une importance cruciale pour la santé et la résilience des écosystèmes. Cependant, celle-ci est en déclin dans le monde et l’agriculture conventionnelle s’est avérée être l’une des principales causes de tendances négatives observées, telles que la disparition progressive des insectes et des oiseaux. L’agriculture occupe plus du tiers de la superficie terrestre mondiale. Tous les liens entre les pertes de biodiversité et l’agriculture sont donc extrêmement importants. Des études antérieures ont déjà montré que les champs conduits en agriculture biologique supportent des niveaux de biodiversité environ 30% plus élevés que les champs conduits en agriculture conventionnelle.
Absence de prise en compte de l’impact des pesticides
De plus, entre 1990 et 2015 l’utilisation des pesticides dans le monde a augmenté de 73 % et les résidus de pesticides dans le sol, dans l’eau et dans les aliments peuvent être nocifs pour la santé humaine, les écosystèmes terrestres et aquatiques et causer une perte de biodiversité. L’agriculture biologique interdit l’utilisation de pesticides de synthèse. Mais peu d’études d’ACV tiennent compte de ces effets pour autant.
Absence de prise en compte de la dégradation des sols
Par ailleurs, la dégradation des terres et la réduction de la qualité des sols résultant d’une gestion non durable des agroécosystèmes constituent également un problème qui, ici encore, est rarement considéré dans les études d’ACV. Les avantages des pratiques agricoles biologiques, telles que des rotations mobilisant une plus grande diversité de cultures et l’utilisation d’engrais organiques, sont paradoxalement souvent négligés dans les études d’ACV.
L’évaluation basée sur l’AVC doit être affinée
De manière cruciale, l’ACV évalue généralement les impacts environnementaux par kilogramme de produit. Cela favorise les systèmes intensifs conventionnels qui peuvent avoir des impacts plus faibles par kilogramme de produit, tout en ayant des impacts plus importants par hectare de terre.
Selon les chercheurs, l’ACV devra mettre en œuvre une approche plus fine tenant compte des processus écologiques adaptés aux caractéristiques locales des sols, du climat et de l’écosystème. La méthodologie et les pratiques actuelles d’ACV ne sont tout simplement pas suffisantes pour évaluer les systèmes agroécologiques tels que l’agriculture biologique. Il faut donc améliorer l’ACV et l’intégrer à d’autres méthodes d’évaluation environnementale pour obtenir une image plus équilibrée et éclairer aux mieux les décisions politiques concluent-ils.
INRAE, Communiqué de presse, 17 mars 2020 – Site EditionsLégislatives 19/03/2020