Entreprenez !
Nous nous occupons du reste.
Ordre des experts comptables
Prescription de l’action d’un associé retrayant en remboursement de ses droits sociaux

Prescription de l’action d’un associé retrayant en remboursement de ses droits sociaux

La demande de désignation d'un expert faite par un associé retrayant, sur le fondement de l'article 1843-4 du code civil, interrompt le cours du délai de prescription de l'action en remboursement de ses droits sociaux.

Un médecin, associé d’une société civile de moyens, en est exclu par décision de ses coassociés. Une décision de justice irrévocable constate cette exclusion, plus de dix ans plus tard. Moins de cinq ans après cette décision, l’intéressé demande la désignation d’un expert chargé de déterminer la valeur de ses droits sociaux. Deux ans après le dépôt du rapport de l’expert, il assigne ses anciens coassociés en paiement de la somme correspondante. Ceux-ci lui répondent que cette demande, prescrite, est irrecevable.

L’associé retrayant se pourvoit en cassation. Il estime que son action était recevable pour un double motif, l’un relatif au point de départ du délai de prescription, l’autre à l’effet de la demande de désignation de l’expert de l’article 1843-4 du code civil.

Point de départ du délai de prescription

La solution

S’agissant du point de départ du délai de prescription, l’associé retrayant tient le raisonnement suivant :

– la perte de la qualité d’associé ne peut être antérieure au remboursement de la valeur des droits sociaux (C. civ., art. 1860), de sorte que la prescription de l’action en remboursement de ces droits ne peut pas courir avant la proposition de remboursement faite par ses coassociés ;

– aucune proposition de remboursement ne lui étant parvenue, le délai de prescription n’a pu courir qu’à compter du dépôt du rapport d’expertise contradictoire ayant fixé la valeur des parts.

La Cour de cassation écarte ces arguments dans ces termes :

– selon l’article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ;

– selon l’article R. 4113-69 du code de la santé publique, l’associé d’une société civile de médecins perd, à compter de sa cessation d’activité, les droits attachés à sa qualité d’associé, à l’exception toutefois des rémunérations afférentes aux apports en capital et de sa part éventuelle dans le capital et dans les réserves et les plus-values d’actif ;

– il résulte de la combinaison de ces textes que la prescription de l’action en remboursement des droits sociaux de l’associé d’une société civile de médecins qui en a été exclu court, lorsque cette exclusion a été contestée, à compter du jour où la décision de justice se prononçant sur l’exclusion de cet associé est passée en force de chose jugée.

Portée de la solution

La présente décision peut surprendre dans la mesure où elle applique à une société civile de moyens (SCM), dont le régime est en principe fixé par le code civil, des dispositions applicables à une SCP de médecins. En toute logique, sa portée devrait être limitée à ce dernier type de sociétés et aux sociétés d’exercice de professions réglementées comportant, le cas échéant, des dispositions comparables à celles de l’article R. 4113-69 susmentionné. Pour ces sociétés, il semble qu’il faille considérer, comme point de départ du délai de prescription de l’action en remboursement des droits sociaux, la date de la décision d’exclusion de l’associé lorsque celle-ci n’est pas contestée.

Pour les sociétés civiles de droit commun, demeure selon nous valable le principe selon lequel la perte de la qualité d’associé ne peut intervenir avant le remboursement des droits sociaux (Cass. com., 17 juin 2008, n° 07-14.965 ; Cass. 1ère civ., 28 sept. 2016, n° 15-18.482). Pour ces sociétés, est-il dès lors possible de retenir la date de la proposition de remboursement faite à l’associé comme point de départ du délai de prescription de son action en remboursement ? Cela a déjà été jugé, mais dans le contexte particulier d’un redressement judiciaire d’un associé (Cass. com., 27 juin 2018, n° 16-18.687).

Effet interruptif de la demande de désignation de l’expert de l’article 1843-4 du code civil

Les juges d’appel avaient estimé que la demande de désignation, sur le fondement de l’article 1843-4 du code civil, d’un expert chargé de déterminer la valeur des parts du retrayant, avait suspendu le délai de prescription de l’action en remboursement, qui avait recommencé à courir à compter du dépôt du rapport.

L’arrêt est cassé sur ce point : une telle demande, qui est portée par voie d’assignation et qui introduit une procédure contradictoire au fond, constitue une demande en justice interrompant la prescription de l’action de l’associé en remboursement de la valeur de ses droits sociaux (C. civ., art. 2241).

Un nouveau délai de 5 ans aurait donc dû courir à compter de la date de dépôt du rapport de l’expert. L’action en remboursement des droits sociaux du retrayant était, par suite, recevable en l’espèce.

Cette solution vaut quelle que soit la forme de la société dont un associé est exclu, se retire ou cède tout ou partie des titres dès lors qu’il procède à une demande de désignation d’un expert sur le fondement de l’article 1843-4 du code civil.

Cass. com., 10 juill. 2024, n° 22-24.794, n° 424 F-B – Site EditionsLégislatives 19/09/2024

Newsletter

Recevez les dernières informations juridiques, fiscales, économiques et sociales directement dans votre messagerie !

Conditions générales et politique de confidentialité

Nous n'avons pas pu confirmer votre inscription.
Votre inscription est confirmée.